Ben, je suis bien d'accord avec la définition de Gaelle "fashion victims", en fait, de mon point de vue, tout le problème se situe au niveau de l'image que ces marques ont su ancrer dans l'esprit de la quasi totalité des guitaristes et du public (qui est le réservoir unique des gratteux autodidactes). Le message tient à une seule équation simple: "une guitare de concert, c'est forcément une guitare d'usine Martin/Gibson/Fender et al."
Et de fait, "les luthiers" ne peuvent que s'en prendre à eux-mêmes: ils ne se sont jamais organisés pour constituer une organisation nationale ou supérieure qui puisse défendre leurs intérêts, faire connaître leur travail auprès du public depuis l'apparition des usines...Ils ont longtemps boudé les électriques et les folks, les considérant comme des instruments "inférieurs" et n'ont pas du tout vu venir les usines asiatiques leur bouffer la laine sur le dos avec le marché des modèles "débutant" et "conservatoire" des écoles de musique, qui non seulement leur assuraient un revenu à peu près stable chaque année, mais qui engendraient (surtout?) un lot de clients pour entretien, fournitures et réparation, leur permettait d'établir un contact avec les instrumentistes qui, lorsqu'ils montaient en gamme, avaient forcément le réflexe d'aller les voir pour trouver leur bonheur, étaient une très bonne source pour "caser" leurs instruments concert!
Il faut reconnaître qu'au départ, la qualité des grattes d'usines était tellement aléatoire qu'aucun prof de conservatoire ne pouvait les recommander. Aujourd'hui, la qualité "minimale" pour un grand débutant est là, et pour moins de 100€! Aucun luthier ne peut se montrer compétitif à ce niveau-là!
Du coup, l'achat d'une guitare de luthier devient problématique: il comporte un risque -est-ce que la guitare va tenir dans le temps? (Intuitivement, les gens savent que n'importe qui peut s'autoproclamer "luthier"). Combien ça peut me coûter en cas de réparation/entretien? (les luthiers ont une réputation d'être chers, ce qui fait fuir tous les "petits budgets") Et est-ce que je vais pouvoir la revendre au besoin? Le GAS (Guitar Acquisition Syndrome) est un vrai moteur pour le secteur, et là, la plupart des luthiers sont perdants d'avance, hormis ceux qui font de gros, gros efforts sur leur image et se vendent comme une grande marque, bref font dans le vrai marketing...
Tiens, faites un test autour de vous, aussi bien des non musiciens que des gratteux que vous connaissez en demandant s'ils savent qui est Torres! Même ceux qui jouent du classique ne sont pas si nombreux à savoir qu'il est le "stradivarius", le père de la guitare classique... Demandez leur de citer un luthier connu, s'ils savent où est le luthier le plus proche de chez eux...
Même si c'est peu comparable, je ne peux m'empêcher de faire un parallèle avec tout le mouvement top/master chef pour justement sortir de ce type d'ornière, afin à la fois de pouvoir susciter des vocations et aussi/surtout donner un "cachet" à un max de cuistots, de justifier les tarifs pratiqués: permettre aux grands restaurateurs et leurs fournisseurs de vivre de leur passion/métier et pérenniser cette institution culturelle, bref, lutter contre l'industrie alimentaire...