Suite à la publication de mes réalisations sur des forums de lutherie, un guitariste m'a confié la tâche de modifier le manche d'une guitare Ibanez d'entrée de gamme :
La GAX 30 (même le nom est entrée de gamme je trouve) :

Au cahier des charges :
- - Modifier la tête pour accueillir des mécaniques Sperzel à blocage
- Incruster dans la touche les trapèzes en nacre type Gibson aux cases 3,9,12,15,17,19 et 21
- Incruster 2 revolvers en nacre tête bêche au niveau des cases 4,5,6,7 et 8
- Poser un binding blanc le long de la touche
- Incruster des initiales en nacre en rapport avec le client sur la tête
- Peindre le dos du manche en blanc
Ce travail implique déjà un refrettage du manche puisqu'il faut faire des incrustations et un binding. L'installation de ce dernier va demander de l'imagination car la fraise à feuillures ne pourra pas s'appuyer sur le dos du manche déjà arrondi. Le travail de la nacre va être conséquent vues la quantité et la complication des diverses incrustations prévues.
Le refrettage reste toujours un travail de précision tandis que la finition en blanc est la partie la plus simple du travail.
On commence donc par enlever les frettes après avoir masqué la touche pour éviter des dégats inutiles (même si elle est destinée à être poncée). Une simple tenaille que j'ai meulée fait l'affaire pour ce travail :

Les inserts en nacre sont d'abord dessinés sur papier avant d'être découpés à la scie à chantourner et ajustés à la lime à métaux pour donner finalement :

Je me suis ensuite attaqué à la question du binding. Je ne pouvais pas y aller à la fraise à feuillure. Il fallait donc feinter, ce que j'ai fait. J'ai d'abord réalisé un gabarit en MDF reproduisant le contour de la touche.

J'ai appliqué la fraise à feuillure munie du roulement correspondant à l'épaisseur du binding prévu sur ce gabarit afin de réduire sa taille à la taille de la touche feuillurée. Ce gabarit a été fixé avec du scotch double-face en abondance sur la touche. J'ai appuyé une fraise à copier (roulement sur la queue) sur ce gabarit pour enlever juste ce qu'il fallait de touche. La difficulté ici était double : bien poser le gabarit réduit sur la touche pour creuser de manière égale de part et d'autre de la touche et manier la défonceuse avec dextérité sachant qu'elle ne s'appuyait que sur une petite surface :

et

La défonce des emplacement des inserts de nacre s'est faite au Dremel monté sur un support maison imitant ce lui de chez Stewmac. J'ai tracé les contours des pièces au crayon blanc. De très petites fraises (0,7mm) existent pour le Dremel, elles s'encrassent vite mais font l'affaire si on n'est pas allergique à l'odeur de brûlé :) :

On peut voir sur la photo la pâte à combler (poussière de touche + colle à bois) qui déborde sur la nacre et la touche. Pas de panique, tout ça part au ponçage à la cale radiusée.
A ce niveau, poser le binding n'est pas un pb : un pistolet à chaleur réglé au minimum permet de remettre à plat le binding vendu enroulé et des chutes de binding diluées dans l'acétone font office de colle (astuce de M.Koch) :

Sur la tête, j'ai poncé le vernis (qui est parti en qques secondes, c'est dire l'épaisseur qu'il avait...) pour mettre à nu une plaque de carton (?) qui fait office de placage de tête (quel luxe chez Ibanez) et dessiner dessus le contour des lettres à incruster :

Avant de justement les incruster :

Là, y'a eu une grosse perte de temps de ma part puisque j'ai cru pouvoir faire un frettage APRES la finition. C'est illusoire, j'ai salopé la finition blanche (salissante donc) en travaillant les frettes au point de devoir la recommencer mais le frettage a fini par arriver à son terme :

De bonnes grosses frettes jumbos, radiusées à 16mm, limées et chanfreinées au extrémités pour ne pas se trancher les doigts. Là encore beaucoup d'outillage a été mis en jeu (marteau, limes spéciales, cales, courbeur de frettes), un outillage avec lequel les luthiers même amateurs sont familiers et fabriquent parfois eux-mêmes comme j'ai fait.
La finition a surtout demandé de la patience pour couvrir proprement ce qui devait l'être et pour bien laisser sécher les couches. J'ai utilisé de la peinture et du vernis en bombe de chez Leroy-Merlin. Je mentionne la marque car j'ai essayé beaucoup de marques et c'est vraiment celle-là (qui paye pas de mine pourtant) qui a donné les meilleurs résultats. Soyons clairs : la peinture et le vernis sèche au toucher en 5 vraies minutes et on peut passer toutes les couches en 1 journées pour peu que le manche soit à proximité d'une source de chaleur modérée. Je n'ai jamais eu de cloquage en superposant peinture et vernis. C'est selon moi le meilleur compromis durée/résultat mais si on est chiant, y'a toujours le vernis epoxy bicomposant pour un vernis pro (épais, transparent et dure).
A la fin, ça donne ça :


Si vous avez des demandes de précision sur certaines étapes, n'hésitez pas !
++