Ca fait maintenant un moment que je parcours le forum en spectateur, et j'y ajoute aujourd'hui mon projet. Dès ce stade, deux choses m'inquiètent :
1) le niveau général de ce que l'on voit sur le forum, terriblement impressionnant tant par les résultats que par les méthodes
2) la BRAB (je plaisante)
Plus sérieusement, j'ai commencé il y a quelques semaines à fabriquer une guitare électrique format telecaster. Les spécifications se dessinent plutôt en allant, je n'avais pas forcément tout couché sur le papier avant de commencer.
En l'état, voici les grandes lignes :
corps et manche : Noyer européen
touche : Noyer américain
manche traversant
frette 0
2 micros simples faits maison
Diapason 648 mm
Voici maintenant le journal de naissance de ma (future) guitare. Son contenu fera bondir les habitués (désolé pour ce que vous allez subir, mais tous les conseils sont bienvenus !). Peut-être aidera-t-il un peu ceux qui hésitent à se lancer en craignant que ce soit trop difficile. J'y mets à la fois mes réussites, mes échecs, ainsi que mes remarques.
Première étape : le bois : Il fallait se procurer du bois. Pas simple quand on ne connait pas. J'étais ennuyé à l'idée d'acheter deux blocs à coller sur internet, car ça ne laissait pas de droit à l'erreur. Une fausse manip', et 80 € partaient à la poubelle. J'ai donc trouvé sur le bon coin une belle poutre en noyer, bien droite et bien lourde, dimension 220 x 30 x 15 cm (quelle idée me direz vous). J'ai donc du bois à profusion, et plein de droits à l'erreur (ou, dans le meilleur des cas, plusieurs guitares !).
Il m'a d'abord fallu couper ma poutre en deux, puis encore en deux, puis encore en deux pour la ramener à un bloc aux dimensions appropriées pour la partie "manche traversant" (en gros 7 x 7 cm). Le tout à l'égoine, car je n'ai pas d'outil adapté aux bois de cette épaisseur (ma scie sauteuse m'a opposé un "non" catégorique ;-) et la scie circulaire est décédée dans le bois...). Je constate en effet que le bois est TRES dur. Il doit avoir au moins 50 ans, et a vieilli au feu de bois.

Une fois ce bloc obtenu, on se rend compte de ce que signifie le conseil "utilisez du bois dégauchi". En effet, aucune des faces de mon bloc n'est ni droite, ni parallèle aux autres... Il va falloir faire avec. Et la ça se corse, car je n'ai aucune technique.
Deuxième étape : les outils : J'achète un rabot à 10 euros dans une grande surface de bricolage. Mauvaise idée... 10 euros de perdus. Je lis quelques dizaines de forums sur les rabots, et je comprends que c'est un outil de très haute technologie. Je profite donc de la première brocante venue pour m'acheter "quelques" rabots anciens (ma femme se demandait si le neuvième était vraiment indispensable...). Mais à 3 euros le rabot, j'avais du mal à me priver, et je ne regrette rien !
Il m'a alors fallu un peu de temps pour les apprivoiser, et pour les affûter. N'ayant rien retenu de ma première expérience chez Lero... euh... en grande surface de bricolage, j'achète une pierre à affûter à 20 euros, à huile. Je teste, mais c'est loin d'être ça. En tout cas, ça ne coupe pas les poils des bras. Au final, j'achète sur internet une pierre à eau 800/600 chez HMD....n. 50 euros, mais bien investis. Mes rabots à 3 sous coupent du tonnerre. Bref, je découvre que la qualité du matériel, ça a parfois du sens (et parfois non...).
J'ai aussi acheté des racloirs (neufs), des planes (brocante : 1 €), une vieille wastringue et de l'abrasif (encore une fois, l'abrasif premier prix, ça coûte au final plus cher qu'un bon papier qui va durer beaucoup plus longtemps et être plus sympa à utiliser).
Troisième étape : premiers copeaux Avec tout ça, j'ai réussi à obtenir une première surface plane sur la longueur du manche, à coups de rabot, de papier abrasif grain 40 sur une grande cale, puis de racloir (c'est bien le racloir...). C'est pas aussi efficace que la dégauchisseuse, mais je suis plutôt content.

Plein d'enthousiasme, j'ai creusé le canal du truss rod.
Quatrième étape : truss rod : Avec ma défonceuse et une fraise droite de 6mm, j'entame le canal. J'avoue que j'appréhende un peu la défonceuse. J'installe la bague de copiage, je place des guides de chaque côté au double-face, je contrôle les espacements, je fais quelques passes à vide pour répéter le mouvement et m'assurer que tout est bien calé, je remesure les espacements (toujours remesurer m'avez-vous appris !). Je plonge enfin la fraise dans le bois, et je fais une première passe de 2 mm. Tout va bien. J'abaisse la fraise pour 2mm supplémentaires. La défonceuse réagit bizarrement, dévie et la fraise casse: :pac:. De là vient le petit décalage en bas du canal sur la photo. Pour la peine, je finis de creuser le canal avec un ciseau à bois 6mm. Je termine avec une petite cale fine recouverte d'abrasif. Résultat satisfaisant, à défaut de parfait. Le truss rentre doucement et n'a pas de jeu.
Cinquième étape : la touche (prototype): Je sens bien que je ne fais pas les choses dans l'ordre, mais certaines étapes m'inquiètent particulièrement, donc je veux m'y confronter d'emblée, de peur de faire le reste pour rien ! L'étape la plus critique reste pour moi la découpe des fentes de frettes. Je m'achèterai plus tard une scie adaptée, dans une échoppe parisienne dont on m'a dit le plus grand bien. Pour l'instant, je cède aux charmes de la technologie. Les systèmes à base de Dremel dans la FAQ me paraissent les plus simples à mettre en oeuvre. Après quelques essais infructueux, j'improvise un banc de découpe qui me laisse le contrôle de l'outil. Il suffit de se caler contre le guide et de glisser doucement :

La touche coulisse sous le support, sur une longue règle graduée vissée qui permet une mesure fixe par rapport à l'axe de découpe. Le tout est fermement fixé à l'établi. Après quelques tests, je me lance sur un prototype de touche, après avoir récupéré les espacements correspondant à mon diapason sur un site offrant un calculateur (http://www.tundraman.com/Guitars/FretCalc/index.php) :

Je fabrique ensuite une cale à radius 9 pouces (j'hésitais entre 7 et 12...), en utilisant encore une fois l'idée d'un membre du forum dans la FAQ : à la défonceuse, je découpe un cercle de 9 pouces de rayon dans une plaque de bois. Je garde seulement le contour du cercle que je débite en tronçons de 7 cm. Je les empile les uns sur les autres, je colle, je ponce doucement pour enlever les aspérités dues au collage et j'enrobe dans du contre-plaqué pour l'esthétique et le confort. Du double-face, et on fixe le papier abrasif (grain 80 pour commencer) :

On radiuse ensuite doucement. Ca mange d'abord les côtés, puis on se rapproche du centre. J'ai d'abord fait un quadrillage au crayon sur la touche. Quand tout le crayon a disparu, c'est que le ponçage est fini. On recommence avec des papiers de 150, 300 et 1000, en prenant soin à chaque fois de quadriller.

Je mets ensuite la touche presque à dimension (toujours avec la scie Dremel), en réservant toutefois un millimètre de surplus sur chaque côté.
Le prototype est assez probant. Je pose une frette, juste pour voir. Impeccable. Je suis un peu rassuré. J'ai commis plein d'erreurs, appris déjà un peu. La touche définitive devrait ressembler à quelque chose.
Demain, je finalise le prototype de touche en m'essayant aux incrustations... Une fois le prototype achevé, je reviendrai au manche pour esquisser la tête et dégrossir ses contours.
La suite bientôt.