Je n’ai pas abandonné l’idée de pouvoir fraiser du bois avec ma perceuse à colonne (je sais c’est pas bien).
Pour rappel, c’est une Syderic S20, au moins la base est bonne. J’ai d’abord regardé les plans disponibles sur
http://www.usinages.com : la broche est monté sur des roulements à rouleaux coniques, donc capable de supporter des efforts très important - bien plus qu’avec des roulements à billes de même dimensions sur une fraiseuse CN. Donc pas d’inquiétude concernant les roulements en eux-mêmes, ils ne seront pas limitants – mais peut-être que leur montage le sera ?
Les problèmes glanés sur le net lorsque l’on fraise avec une perceuse sont :
- Avoir un porte-pince – on ne fraise pas avec un mandrin, ça va de soi.
- Bloquer l’axe Z.
- Pallier au manque de tirant pour maintenir le cône du porte pince au fond du logement – c’est important, si le porte pince se décolle et que la vitesse de rotation est élevée on peut se prendre la fraise dans la poire !
J’ai donc commencé petit : un porte-pince en cône CM2, des fraises récupérées, et je me suis fait un premier essai à la volée en tournant à 550 tr/min et en ne prenant que 1 mm maxi. Le blocage de l’axe Z est incomplet mais suffisant pour un essai : j’ai simplement enclenché le Comodec (le système de descente fine de la broche). Avec la faible vitesse de rotation pour une fraise de 12, pas de danger particulier, même sans tirant sur le cône morse. Ça donne ça :
Pas très impressionnant, mais déjà formateur ! La broche faisait très vite un petit bruit : elle avait pris du jeu ! Ni une ni deux, je remonte mon mandrin de perçage, et là plus de jeu. Je remets donc le porte pince, toujours pas de jeu ; je re-fraise un coup, et hop du jeu à nouveau… Donc direction de plan de l’ensemble broche + fourreau :
C’est donc qu’il y a trop de jeu dans le montage en « O » des roulements coniques de la broche. La bague intérieure du roulement inférieur ne plaque plus contre les rouleaux après être ébranlé par les efforts de fraisage et on se retrouve avec du jeu. Si mon raisonnement est bon, quand on perce on plaque le roulement du bas en place. C’est alors dans le roulement du haut qu’il devrait y avoir du jeu.
Et pour remédier à tout ça il faut resserrer l’écrou tout en haut.
Donc c’est parti ! J’enlève la poulie :
J’enlève le palier :
Et là, c’est le drame : l’écrou n’est pas accessible sans sortir le fourreau.
Par contre, le point positif est que mon diagnostic semble bon : quand il n’y a pas de jeu au niveau du roulement du bas, il y en a au niveau du roulement du haut !
Ça sera donc l’occasion de faire un peu de mécanique et de voir les entrailles de la bête. Je sais qu’elle a été malmenée dans ses précédentes vies donc ça sera l’occasion de remettre cette partie de la machine en état. Et moi qui n’ai pratiquement jamais fait de mécanique, je me dit que l’idéal pour commencer c’est une bécane comme ma Sydéric : bien conçue, robuste, simple, avec quelques plans de disponibles. Comme j’ai la théorie (je suis technicien en bureau d’études), la pratique viendra toute seule et ça me fera le plus grand bien.
Donc je démonte le tambour, le vernier, le système de butée de la descente… Tout est bien pensé, c’est top !
Je comprends enfin le fonctionnement du système de butée de descente et pourquoi je n’avais jamais réussi à l’utiliser sur les deux Syderic que j’ai pratiqué : il s’agit d’une butée mobile qui tourne avec l’axe de descente, poussée par un taquet du tambour. Elle reste plaquée contre le taquet du tambour grâce à un ressort. Or en démontant, le ressort en question est cassé !
Résultat : la butée mobile n’était pas plaquée au taquet du tambour et elle restait dans la zone morte, là où la butée du tambour ne va jamais (le cabestan tourne sur moins d’un tour complet) ; il y a fort à parier que ce ressort est aussi cassé sur l’autre Syderic que j’utilisais. Quand on bloquait la butée mobile, elle était quelque part, mais pas à l’endroit désiré... Du coup on n’a jamais utilisé cette butée. Vivement que je remonte tout ça propre !
De l’autre côté, j’ai démonté le Comodec, viré les poignées (en deux fois, le premier jour je n’avais pas ma pince multiprise) :
Puis j’ai sorti le croisillon en tapant sur le bout d’arbre avec un jonc en laiton, avant de dévisser le capot qui règle la tension du ressort de remontée de la boche (lui aussi réglé faiblard sur ma S20)… Et zou ! J’ai sorti l’arbre, débloquer la goupille excentrique de réglage de l’orientation du fourreau (qu’est-ce que c’est bien pensé ! ), et le fourreau est dehors !
Comme on voit, c’est bien cracra tout ça.

N’ayant ni l’outillage ni le temps pour démonter la broche du fourreau, je me suis contenté de jouer du chiffon, puis j’ai blindé de WD40, fait tourner la broche, laissé couler le 3-en-un sale, re-WD40, et refaire tourner à nouveau… Au bout de 10/15 min c’était déjà mieux. Mais je sais qu’au prochain démontage, je devrais m’occuper de cette broche et changer les roulements. Pour cette fois ça ira.
Reste donc à resserrer l’écrou de broche pour supprimer le jeu du montage en « O ». J’ai monté l’ensemble trèèèèès légèrement serrant, pour cela j’ai dût élargir un peu une des encoches de mon écrou KM4 à la lime. Et là, plus de jeu et ça tourne assez bien.
Puis maintenant, remontage complet. J’ai badigeonné de graisse le roulement du haut (je m’y suis pris à 3 fois car il en manquait vraiment) :
Quand en faisant tourner la broche le roulement ne « buvait » plus la graisse que je rajoutais, j’ai tout nettoyé et remonté le reste de la perceuse avec plein de graisse partout. Incroyable comme ça a fait du bien à ma vieille dame !
On voit bien le principe de la butée mobile (à droite), qui normalement devrait rester plaquée contre le tambour solidaire de l’arbre (à gauche) :
Puis quand tout était bien remonté j’ai laissé tourner la perceuse pendant 10 min à vide, le temps du nettoyage des outils et de l’établi.
Il y avait une bizarrerie : courroie tendue, elle s’est mise à faire un tac-tac-tac-tac qui n’existait plus courroie détendue… Je n’ai pas trouvé la raison…
Enfin, j’ai remonté mon porte-pince et la fraise de 12 :
Et là plus de vibrations ! Mission accomplie !
Sans compter que tout fonctionne mieux : le Comodec souple à l’utilisaton, le ressort de remontée du fourreau qui est tendu comme j’aime, la broche qui tourne mieux, le palier du haut aussi. Et tout est plus propre, même si ça se ne voit pas de l’extérieur.
J’ai les doigts plein de gras, mais je suis content. Ma Syderic prend du galon, je sais comment elle est fichue et je suis capable de l’entretenir.
Il faut que je refasse des essais de fraisage, mais j’ai aussi l’impression que la simple mise en place du Comodec couplée à la plus forte tension du ressort de rappel du fourreau suffit à bloquer en Z la broche. A confirmer bien-sûr.
Prochain essai : faire du copiage comme avec une défonceuse sous table.
